Tout ce que je vois par la fenêtre, sur la
route, c’est ce que la Terre Mère a bien voulu dessiner, aidée par quelque
déesse. Ici, tout n’est qu’égalité. Des étendues de nature jaune, parfois dorée
ou grisâtre, qui fixent l’horizon devant nos rétines. Il ne semble pas y avoir
beaucoup de vie ici-bas, alors que ce n’est que cette dernière qui resplendit
en ces lieux. Là où il n’y a pas de géants : soit ils se baladent plus
loin, à de nombreuses lieues, soit une main coupable les a chassés un jour. Et
je vois des lagons atteints de nanisme, plein d’eau douce. Quelques animaux
étanchent leur faim dans un calme irréel. Et le paysage brunit. Des rois de
taille normale apparaissent peu à peu. Alors que le Soleil s’échappe, et se
cache peu à peu sous des nuages qui semblent adopter la couleur jaunie du sol.
Au fur et à mesure que je descends cette faible pente, toute vie prend de
l’ampleur. Des géants couronnés s’agglutinent sans se livrer de lutte. Et je
sais qu’il y a des chutes non-loin. Non pas des plaies rocheuses, mais plutôt
des petits bouts de vide merveilleux disséminés çà et là. Sans pour autant
donner le vertige. Non, ce qui effraie, c’est de se dire qu’il a fallu abattre
des souverains et piétiner leurs fiefs pour que je puisse un jour contempler ce
que la Terre a créé avec ce Soleil qui ce soir, semble me dire au revoir. Je
fais partie de ces graines coupables. Et je continue ma descente. Je ne sais
combien de différentes teintes de couleurs j’ai pu voir. Ici, l’égalité est
beaucoup moins évidente. Je m’enfonce quelque part. J’aperçois de plus en plus
les fruits que nous, graines hostiles, avons fait naître. Au loin de tout ce
spectacle, collision de tous les mondes, je vois d’autres titans, de roche et
de terre ceux-ci, qui feraient passer les géants pour des fourmis. Tout
s’entrechoque. Mes globes oculaires rencontrent d’autres fils de la pierre à
plusieurs kilomètres de là. Et je ne sais pas vers qui, vers quoi m’incliner.
Le Soleil, lui, a choisi son camp. Il se reflète dans de nouveaux bassins qui m’apparaissent,
à main gauche. La vie jaunie devient de plus en plus hétérogène. Ses courbes se
font imprévisibles. Je pense remonter légèrement. Tout comme l’Astre de feu, en
plein incendie, qui va et vient derrière les cimes de vie.